May 24, 2021

Posted by:
IEPA

Par le Dr. Christoph U Correll

 

 

Le rétablissement est un objectif atteignable dans la psychose débutante, mais les approches thérapeutiques doivent viser à la fois des interventions médicales et psychosociales.

 

Pourquoi est-il important de travailler en étroite collaboration avec les personnes qui ont vécu un premier épisode psychotique ou un premier épisode schizophrénique pour atteindre le rétablissement ? Parce que ce sont les personnes les plus proches de ce rétablissement.

Le « rétablissement » dans ce cas comprend deux aspects :

  • la stabilisation ou la rémission symptomatique et
  • l’amélioration du fonctionnement en terme de soins personnels, d’interactions sociales, d’activités de loisirs, de l’éducation ou de la situation professionnelle.

Le rétablissement signifie également être en relation : connecté avec soi-même, avec les autres, à des activités motivantes et constructives, à la vie et à un sentiment d’espoir.

Pour donner aux personnes les meilleures chances de guérison possibles, nous devons leur donner un accès précoce aux soins, car un raccourcissement de la durée de psychose non traitée est associé à une meilleure évolution symptomatique et fonctionnelle (Howes et al.2021).
Il faut également envisager un traitement pharmacologique visant à prévenir les rechutes (Leucht et al.2012), car il a été démontré que les personnes qui font le moins d’épisodes psychotiques et qui ont le moins de symptômes après le début d’un traitement ont une meilleure évolution (Carbon et Correll 2014). Une personne qui ne fait pas de rechute a de grandes chances de maintenir une bonne réponse au traitement, d’améliorer son fonctionnement et de réduire le fardeau de la maladie (Correll et al. 2018a).

Plus important encore, il faut trouver un traitement ou des traitements qui ont des effets secondaires minimes ou, du moins, subjectivement tolérables, afin que la qualité de vie et le fonctionnement du patient soient le moins affectés possible (Tandon et al. 2020).

L’adjonction d’interventions psychosociales au traitement pharmacologique est susceptible de produire les meilleurs résultats (OMS, 2009). Les interventions psychosociales comprennent la psychoéducation individuelle et familiale, la psychothérapie individuelle et de groupe, le case management, l’entrainement aux diverses habiletés, et ce soutien à l’emploi ou à l’éducation.
Il a été démontré que les services d’intervention précoce qui combinent 3 ou 4 de ces interventions psychosociales à un traitement pharmacologique, dans le cadre d’une approche intégrative pluri disciplinaire, amélioraient 15 dimensions d’évolution de manière beaucoup plus significative que les interventions habituelles (Correll et al. 2018b), qui ne sont généralement pas bien intégrées et se concentrent principalement sur le traitement pharmacologique. Dans cette méta-analyse, les personnes recevant des soins dans les services d’intervention précoce avaient 24 % plus de chances de se rétablir.

De plus, les données suggèrent que l’utilisation d’antipsychotiques à action prolongée est associée à une réduction du risque d’arrêt du traitement, de rechute, d’hospitalisation et même de mortalité (Taipale et al.2018, Taipale et al.2020 ; Kishimoto et al.2021). Par ailleurs, le traitement par un antipsychotique à action prolongée au cours d’un premier épisode de schizophrénie semble améliorer considérablement la double récupération symptomatique et fonctionnelle. En effet, dans un échantillon de 98 patients ayant présenté un premier épisode de psychose et ayant reçu un traitement à action prolongée dès le départ , 44% avaient récupéré au plan symptomatique et fonctionnel après 2 ans (Phahladira et al. 2020).

Nous ne connaissons toujours pas la physiopathologie exacte des différentes formes de psychoses ou de schizophrénie, et les traitements pharmacologiques sont actuellement plus axés sur les symptômes que sur la maladie elle-même. Cependant, il ne fait plus aucun doute que l’utilisation de médicaments et de soins psychosociaux visant le rétablissement peuvent produire des résultats qui vont au-delà de la simple amélioration et stabilisation des symptômes.

La clé est de trouver la médication qui fonctionne pour chaque individu, qui ne s’accompagne pas d’effets indésirables, et que les patients soient prêts à prendre sur le long terme et de profiter des interventions psychosociales. Lorsque le traitement est géré de cette manière, les personnes qui présentent un premier épisode de psychose peuvent espérer qu’une bonne évolution symptomatique et fonctionnelle est possible, ce qui veut dire qu’ils peuvent retrouver leur vie d’avant et se réjouir du futur.

 

Christoph Correll est professeur de psychiatrie à l’École de médecine Zucker à Hofstra / Northwell, à New York aux États-Unis, et également professeur et directeur du département de pédopsychiatrie de l’Hôpital universitaire Charité à Berlin en Allemagne. Les recherches et les travaux cliniques du professeur Correll se concentrent sur l’identification, la caractérisation et le traitement des jeunes et des adultes atteints de maladies mentales graves, y compris les troubles psychotiques et de l’humeur. Il travaille également dans les domaines de la psychopharmacologie, de l’épidémiologie, des essais cliniques, de la comparaison d’efficacité des traitements, des méta-analyses et de l’interaction entre la santé physique et la santé mentale. 

Il est l’auteur de plus de 650 publications, a collaboré avec grand nombre de groupes d’experts et reçu plus de 40 prix de recherche pour ses travaux.  Depuis 2014, année de création de cet indice, il est considéré chaque année par Clarivate / Web of Science comme l’un des « esprits scientifiques les plus influents » et parmi « les 1 % des scientifiques les plus cités dans le domaine de la psychiatrie » (https://hcr.clarivate.com). 

 

 

Références

Carbon M, Correll CU. Clinical predictors of therapeutic response to antipsychotics in schizophrenia. Dialogues Clin Neurosci. 2014 Dec;16(4):505-24. doi:

10.31887/DCNS.2014.16.4/mcarbon. PMID: 25733955; PMCID: PMC4336920.
Correll CU, Rubio JM, Kane JM. What is the risk-benefit ratio of long-term antipsychotic treatment in people with schizophrenia? World Psychiatry. 2018a Jun;17(2):149-160. doi: 10.1002/wps.20516. PMID: 29856543; PMCID: PMC5980517.

Correll CU, Galling B, Pawar A, Krivko A, Bonetto C, Ruggeri M, Craig TJ, Nordentoft M, Srihari VH, Guloksuz S, Hui CLM, Chen EYH, Valencia M, Juarez F, Robinson DG, Schooler NR, Brunette MF, Mueser KT, Rosenheck RA, Marcy P, Addington J, Estroff SE, Robinson J, Penn D, Severe JB, Kane JM. Comparison of Early Intervention Services vs Treatment as Usual for Early-Phase Psychosis: A Systematic Review, Meta-analysis, and Meta-regression. JAMA Psychiatry. 2018b Jun 1;75(6):555-565. doi: 10.1001/jamapsychiatry.2018.0623. PMID: 29800949; PMCID: PMC6137532.

Howes OD, Whitehurst T, Shatalina E, Townsend L, Onwordi EC, Mak TLA, Arumuham A, O’Brien O, Lobo M, Vano L, Zahid U, Butler E, Osugo M. The clinical significance of duration of untreated psychosis: an umbrella review and random-effects meta-analysis. World Psychiatry. 2021 Feb;20(1):75-95. doi:10.1002/wps.20822. PMID: 33432766; PMCID: PMC7801839.

Kishimoto T, Hagi K, Kurokawa S, Kane JM, Correll CU. Long-Acting Injectable vs. Oral Antipsychotics for the Maintenance Treatment of Schizophrenia: A Comparative Meta-Analysis of Randomized, Pre-Post, and Cohort Studies. Lancet Psychiatry. 2021 Apr 16. [Epub ahead of print]

Leucht S, Tardy M, Komossa K, Heres S, Kissling W, Salanti G, Davis JM. Antipsychotic drugs versus placebo for relapse prevention in schizophrenia: a systematic review and meta-analysis. Lancet. 2012 Jun 2;379(9831):2063-71. doi:10.1016/S0140-6736(12)60239-6. Epub 2012 May 3. PMID: 22560607.

Phahladira L, Luckhoff HK, Asmal L, Kilian S, Scheffler F, Plessis SD, Chiliza B, Emsley R. Early recovery in the first 24 months of treatment in first-episode schizophrenia-spectrum disorders. NPJ Schizophr. 2020 Jan 8;6(1):2. doi: 10.1038/s41537-019-0091-y. PMID: 31913311; PMCID: PMC6949247.

Taipale H, Mittendorfer-Rutz E, Alexanderson K, Majak M, Mehtälä J, Hoti F, Jedenius E, Enkusson D, Leval A, Sermon J, Tanskanen A, Tiihonen J. Antipsychotics and mortality in a nationwide cohort of 29,823 patients with schizophrenia. Schizophr Res. 2018 Jul;197:274-280. doi:10.1016/j.schres.2017.12.010. Epub 2017 Dec 21. PMID: 29274734.

Taipale H, Tanskanen A, Mehtälä J, Vattulainen P, Correll CU, Tiihonen J. 20-year follow-up study of physical morbidity and mortality in relationship to antipsychotic treatment in a nationwide cohort of 62,250 patients with schizophrenia (FIN20). World Psychiatry. 2020 Feb;19(1):61-68. doi:10.1002/wps.20699. PMID: 31922669; PMCID: PMC6953552.

Tandon R, Lenderking WR, Weiss C, Shalhoub H, Barbosa CD, Chen J, Greene M, Meehan SR, Duvold LB, Arango C, Agid O, Castle D. The impact on functioning of second-generation antipsychotic medication side effects for patients with schizophrenia: a worldwide, cross-sectional, web-based survey. Ann Gen Psychiatry. 2020 Jul 13;19:42. doi: 10.1186/s12991-020-00292-5.

World Health Organization. Pharmacological treatment of mental disorders in primary health care. Geneva: WHO; 2009.

 

Déclaration d’intérêts (3 dernières années):

Dr. Correll a été consultant et/ou conseiller de ou a reçu des honoraires de : Acadia, Alkermes, Allergan, Angelini, Axsome, Gedeon Richter, IntraCellular Therapies, Janssen/J&J, Karuna, LB Pharma, Lundbeck, MedAvante-ProPhase, MedInCell, Medscape, Merck, Mitsubishi Tanabe Pharma, Mylan, Neurocrine, Noven, Otsuka, Pfizer, Recordati, Rovi, Servier, Sumitomo Dainippon, Sunovion, Supernus, Takeda et Teva. Il a fourni des témoignages d’experts pour Janssen et Otsuka. Il a fait partie d’un comité de surveillance de la sécurité des données pour Lundbeck, Rovi, Supernus et Teva. Il a reçu des subventions de Janssen et de Takeda. Il est également détenteur d’options d’achat d’actions de LB Pharma.

 

Remerciements:

Ce projet a été rendu possible grâce au parrainage de H. Lundbeck A/S. Les opinions exprimées dans ces documents ne reflètent pas nécessairement celles de H.Lundbeck.